La COP 26 : « dernier meilleur espoir » ou « festival du greenwashing » ?

Ela Etienne

La COP 26 : « dernier meilleur espoir » ou « festival du greenwashing » ?

La COP 26 : « dernier meilleur espoir » ou « festival du greenwashing » ?

Ela Etienne
14 janvier 2022

Du 31 octobre au 12 novembre dernier s’est tenue la 26e conférence internationale pour le climat, regroupant près de 200 états à Glasgow. Pour Alok Sharma, le Président de la conférence, c’est un réel espoir de freiner la menace planante du réchauffement climatique en dessous de 1,5°C. De leur côté, les activistes militant pour le climat sont sceptiques et y voient plutôt une opération de « blanchiment » de l’image des pays développés, principaux responsables de cette crise environnementale. Qui la COP 26 avait-elle réellement pour projet de sauver ?

Une COP particulière

« A cause de la pandémie, nous avons repoussé cette COP d’un an. Mais pendant cette année, le changement climatique ne s’est pas arrêté et le rapport du GIEC en Août dernier nous l’a rappelé. »

Le 31 décembre 2021, lors de son discours à la cérémonie d’ouverture de la conférence, Alok Sharma ravive la saveur du contexte particulier de ce rassemblement international pour le climat. Pour lui comme pour beaucoup de monde, c’est un tournant potentiellement décisif pour l’avenir de la planète.

En effet le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité sont des sujets qui font de plus en plus de bruit dans l’espace public ainsi que dans les consciences. L’alarme sonne. Depuis le début de la crise Covid-19 les questions environnementales et l’impact de l’Homme sur la planète engagent des discussions. Et plus bruyantes encore depuis cet été avec les nombreuses catastrophes naturelles qui ont eu lieu : les incendies en Turquie et en Grèce, les inondations en Belgique, aux Etats-Unis et au Japon, les sécheresses au Brésil et à Madagascar… Autant d’évènements aux conséquences néfastes qui, selon le GIEC, sont les effets déjà visibles et sans équivoque de l’activité industrielle incessante de l’Homme sur le climat et l’environnement.

Petit rappel : le 9 Août dernier, ce Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a sorti son sixième rapport d’évaluation – résumé par Le Monde en 18 graphiques– .Et il se veut alertant. Le groupe statut sur les conséquences irrémédiables qu’engendrerait une hausse de plus de 2°C de la température (depuis l’ère minière). Actuellement elle a déjà atteint 1°C de plus : la limitation du réchauffement à 1,5°C d’ici 2100 – l’engagement pris dans les accords de Paris en 2015 – est impossible sans une réduction drastique et immédiate des émissions de gazs à effets de serre.

1,5°C

 

Ainsi, ce chiffre à virgule a été mis à l’agenda du G7, du G20 et de la COP 26, présidés cette année par le Royaume-Uni en partenariat avec l’Italie. Le maintien de cette hausse de température, qui se doit de ne pas être dépassée, est considéré comme un des objectifs les plus urgents à atteindre durant cette conférence pour le climat.

©Flickr

D’autant plus qu’aujourd’hui, avec une hausse de 1°C, les effets du réchauffement se font déjà fortement ressentir et notamment par les pays de l’Hémisphère Sud, avec des conséquences sans précédent. Beaucoup de représentants d’Etat sont venus à la COP dans le but de témoigner et de souligner cette urgence. C’est le cas de Mia Mottley, Première Ministre de la Barbade, qui souligne que ces catastrophes ont déjà gravement touché les structures, l’économie et les vies des habitants des pays de l’Hémisphère Sud.

Dans ce contexte-là, la COP 26 apparaît donc comme d’autant plus cruciale dans l’évolution du réchauffement climatique et dans la préservation de toutes les espèces vivantes.

Les États se sont donc arrimés à quatre objectifs principaux, qu’ils ont largement communiqués, affichés, mis en valeur et loués sur les supports de communication de la conférence. Ces objectifs ont été le fil rouge tout au long de l’évènement, à travers les discussions, les engagements et les accords signés.

Une communication massive de l'évènement

©cop26uk

Pour promouvoir, informer et mobiliser le monde entier autour de cet évènement, les Nations-Unies et le Royaume-Uni ont mis le paquet. Réseaux sociaux, ambassadeurs, site internet, logo et charte graphique,… vous-même ne pouvez pas être passés à côté de ce globe vert, bleu et blanc. Aux grands maux les grands remèdes, paraît-il. La COP26 s’est dotée de puissants spots lumineux tournés vers elle pour être vue de tous.

A l’occasion, elle a créée en mars 2021 un site internet aux couleurs de l’évènement pour présenter la COP, ses organisateurs – dont une bonne partie sur les engagements écologiques du Royaume-Uni-, ses partenaires mais aussi et surtout mettre et avant, surligner et détailler les quatre objectifs et le programme de l’évènement.

©screenshot Instagram from @cop26uk

Les comptes très actifs de Twitter et Instagram ont tout aussi bien été sollicités pour communiquer en amont et en aval mais avec un ton plus ludique, des photos, des vidéos, du teasing avant l’évènement… Un compte à rebours a même été mis en place sur les deux plateformes, rappelant mois par mois puis jours par jours le temps restant avant le début de la conférence.

En plus de cela, les réseaux sociaux ont permis de suivre en direct les thèmes abordés, les temps forts, les phrases symboliques et les évènements hors-conférence à travers des photos et des courtes vidéos.

Un compte Flickr regroupant toutes les photos prises par les photographes officiels durant les discours, les négociations et les évènements a aussi été créé : un stock d’images libre d’accès et d’utilisation pour tous (très pratique pour quiconque voudrait écrire un article et relayer l’information).

Somme toutes un plan de communication bien pensé pour attirer l’attention et mobiliser le plus de citoyens possibles. Les ambassadeurs sélectionnés pour représenter et promouvoir la COP26 montrent bien cette volonté.

©BLACKPINK, 3 novembre 2021

 

Black Pink, le groupe de K-Pop coréen mondialement et exclusivement connu du jeune public, a probablement été choisis pour donner une image « jeune et branchée » à la conférence et engager cette audience particulière. On peut cependant douter de la réelle implication du groupe dans la lutte contre le réchauffement de la planète, même si un effort est à souligner avec leur récente chanson Dear Hearth (Chère Terre).

...en décalage avec la réalité ?

Cette communication a beau être massive et avoir le mérite de s’inscrire dans une démarche de démocratisation, la menaçante réalité des enjeux environnementaux de la COP26 semble être largement occultée par la conférence elle-même. Destruction de la biodiversité, disparition des espèces, catastrophes naturelles et réchauffement climatiques viennent se heurter à la communication ludique et commerciale de l’évènement.

 

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A défaut de sonner l’alarme, ça donne envie d’y aller non ?

Frustration et mobilisations

En marge de la COP26, pendant que les leaders politiques et les grands industriels mondiaux semblent faire leur show, la critique se mobilise.

“The COP has turned into a PR event, where leaders are giving beautiful speeches and announcing fancy commitments and targets, while behind the curtains governments of the Global North countries are still refusing to take any drastic climate action.”

– Greta Thunberg, discours devant une manifestation pour le climate en marge de la conference, 5 novembre 2021, Glagow

A la fin de la première semaine de la conférence, à Glasgow comme dans le monde entier, des marches pour le climat éclatent pour dénoncer le manque d’ambitions et d’engagement des leaders mondiaux concernant leurs accords.

©LeHuffPost, 6 novembre 2021

 

En effet les beaux discours de la cérémonie d’ouverture n’ont pas forcément été suivis par les mesures drastiques annoncées et attendues. Les engagements pris par certains pays n’ont pas été suivis par d’autres, comme par exemple la Chine, l’Inde, le Japon et l’Australie qui ne figurent pas parmi les 190 pays à s’être engagés à ne plus utiliser le charbon : ironie du sort, c’en sont les plus gros consommateurs. D’autres annonces manquent également de crédibilité, comme celle de Joe Biden dans laquelle il promet de réduire les émissions carbones des Etats-Unis de 30% d’ici 2030 ; en sachant que les deux tiers viennent de l’agriculture et des déchets, cela semble constituer un sacrifice important pour le premier exportateur agricole au monde.

 

@martimemz on Instagram

L’hypocrisie c’est aussi ce qui est largement reproché et critiqué aux acteurs de la COP26. Vous n’êtes probablement pas passé à côté de la polémique des jets privés. Les médias et les réseaux sociaux s’emparent de cette information : memes et articles circulent pour dénoncer l’utilisation abusive et ironique de leurs propres appareils par les leaders mondiaux pour se rendre à la conférence.

 

©France3, 4 novembre 2021

Selon une étude du Daily Mail, ces trajets ont produit plus de gazs à effets de serre que ce que 1600 Ecossais produisent en un an.

Le 7 novembre est également sortie une enquête du Washington Post donnant du grain à moudre aux opposants de la COP. Ce papier démontre que la base de données des Nations Unies concernant les émissions carbone par an et par pays est totalement  incomplète du fait de la sous-déclaration d’une majorité des états.

De quoi rester sceptiques face aux engagements de réduction des émissions de gazs à effets de serres.

COP 26 et jeunesse engagée

A l’occasion de cette conférence mondiale pour le climat, nombre de jeunes militants vont se mobiliser pour rassembler et faire entendre leurs voix. Et le message est plutôt clair. Colère et frustration sont de mise: « promesses vides », « greenwashing » et « échec » traduisent un profond manque d’espoir dans la réussite de la COP pour une majorité. D’autres usent des voix institutionnelles pour lancer un appel désespéré aux dirigeants pour agir à travers des discours lors de la conférence. Une chose est sûre, ils passent tous un message puissant aux dirigeants : c’est maintenant ou jamais, avec ou sans vous.

8 jeunes militants pour le climat invités à la COP 26 : engagement, discours et colère

 

« sans vous », c’est comme ça qu’Eloïse Faure, militante française pour le climat, perçoit et met en pratique son combat. Responsable de l’antenne Surfrider fondation Europe et membre fondatrice de Youth4Ocean forum , elle a été invité à la COP26 pour donner un discours. Spoiler : elle a refusé. Pour elle c’était « carrément inutile » de participer à cette conférence pour « rencontrer des gens qui entendent ce qu’on dit mais qui n’agissent pas ».

 

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Il y a donc clairement une perte de la confiance des jeunes militants dans la capacité des institutions traditionnelles à mettre en place des mesures qui seraient susceptibles de ralentir le réchauffement climatique. Pour eux la COP26 est une belle coquille vide, un véritable festival du greenwashing servant non pas à prendre des décisions utiles mais à mettre en avant et redorer l’image des principaux fautifs de cette crise : les états développés et les acteurs économiques mondiaux. Sommes toutes : tout sauf un moyen d’endiguer les effets de la crise écologique et la destruction du monde vivant.

sera le coup de grâce de l’espoir incarné par cette conférence mondiale. Le 13 novembre les leaders politiques mondiaux signent enfin les sacro-saints accords pour le climat et s’en félicitent. Pour eux c’est l’aboutissement de 2 semaines de discussions et de négociations. Signés par 153 pays, ces accords finaux sont affublés de « réussite » : les accords de Paris ont été finalisés, des engagements pour réduire les gazs à effets de serre pris, des financements mobilisés et la coopération accrue. Une belle façon de marteler que les objectifs de départ ont tous été atteint. La planète est-elle sauvée ?

Ce n’est pas l’avis de Camille Etienne, militante française pour le climat et fondatrice du mouvement On est prêts. « le diable se cache dans les détails » déclare-t-elle le 15 novembre dans une vidéo bilan de la COP26 pour Brut. Le choix des mots utilisés donneraient lieu à des contraintes amoindries. Par exemple, la Chine aurait, au dernier moment, fait pression afin de remplacer « sortie » par « réduction » du charbon, se laissant une marge confortable de non-action.

Les militants pour le climat ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir conscience de l’insuffisance des engagements pris durant cette conférence : le président de la COP, Alok Sharma, a aussi finit par se rendre à l’évidence et s’excuser dans un discours du 13 novembre.

©Guardian News, 14 novembre 2021

 

Dans ce cas, pour quelles raisons le compte Instagram de la COP26 a-t-il encore, le 31 décembre dernier, publié sur la réussite de ces accords ?

 

 

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