La Shoah par balles, la fin du silence après 17 ans de travail acharné

Abigail BLANC

La Shoah par balles, la fin du silence après 17 ans de travail acharné

La Shoah par balles, la fin du silence après 17 ans de travail acharné

Abigail BLANC
13 janvier 2022

Partons ensemble sur les traces de cette histoire oubliée. Nous avons tous en mémoire les images de déportés dans les camps d’Auschwitz-Birkenau, Dachau ou encore Buchenwald, cependant, d’autres sites sont longtemps restés dans l’ombre… comme ceux de la Shoah par balles. Honorer leur mémoire et retrouver les témoins clés de cette partie de l’histoire, c’est ce qui anime l’association Yahad In Unum. Entrons dans les coulisses de cette association qui lutte pour la reconnaissance de ces victimes et étudions sa méthode de travail unique.  

Qu’est-ce que la Shoah ?

Le site du Mémorial vivant du peuple juif en souvenir de la Shoah, Yad Vashem, défini le terme Shoah comme « le meurtre de six millions de Juifs par l’Allemagne nazie. La persécution des Juifs débute dès 1933 mais le meurtre de masse sera commis au cours de la Seconde Guerre mondiale ». Ce génocide représente un véritable tourment du XXème siècle et va engendrer par la suite une conscience collective et une affirmation de nos valeurs éthiques et morales. Le Larousse qualifie de génocide, tout « crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Les deux tiers des Juifs d’Europe, soit plus de cinq millions, vont perdre la vie dans ce génocide. La Shoah par balles est une pratique d’exécution particulière qui consistait à tuer directement les victimes par balles en plein air.

 

L’association Yahad In Unum

Notre histoire fait notre force… et nous en avons tellement à raconter.

 

Cette profonde et incroyable histoire débute en 2004 à Paris lorsque Le Père Desbois décide de fonder l’association Yahad In Unum. Cette initiative vient d’un désir de fonder une réelle communauté autour de cette mémoire ainsi que d’honorer la mémoire des personnes qui ont trouvé la mort lors de ces nombreux massacres de masse. Yahad In Unum  souhaite soutenir la recherche des différentes fosses où de nombreuses victimes juives ont été retenues durant la Seconde Guerre Mondiale. 

Capture d’écran du site de Yahad In Unum disponible sur https://www.yahadinunum.org/fr/who-we-are

Yahad In Unum signifie “ensemble en un” en hébreu et en latin, ce nom reflète parfaitement le cœur de l’association qui ne représente finalement qu’une seule et même entité constituée de beaucoup de membres.

Yahad In Unum est composé de plusieurs spécialistes qui travaillent sans relâche afin de retrouver davantage de fosses et de recueillir des témoignages oubliés pendant des années. L’association s’attache à travailler sur les traces des crimes commis par les nazis de 1941 à 1944 dans de multiples pays de l’Est, et plus principalement en Ukraine, Biélorussie, Pologne, Russie. Elle a également récolté de nombreuses histoires de témoins, soit environ plus de 6 500 et a retrouvé plus de 2 700 sites dans toute l’Europe de l’Est. 

 

Père Patrick Desbois, Président & Fondateur de Yahad In Unum

Qui est le père Patrick Desbois ? Découvrons le ensemble : né en France en 1955, Patrick Desbois est un prêtre catholique fondateur de l’association. Petit-fils d’un prisonnier français qui a été détenu durant la Seconde Guerre Mondiale dans un camp situé entre deux pays, l’Ukraine et la Pologne, très marqués par le génocide des juifs. Le camp se nommait Rawa Ruska et comptait plus de 2000 juifs déportés. Il décide de s’y rendre afin de retourner sur les traces de ses personnes et de son grand-père. Lors de ses recherches, il rencontre plusieurs victimes encore vivantes aujourd’hui et recueille de nombreux témoignages. C’est à partir de ce moment-là qu’il va découvrir l’étendue et le nombre importants de fosses encore méconnus aujourd’hui. Et puis, il va donner la parole à de nombreux témoins qui ont réellement vécu ce génocide et n’ont jamais eu l’occasion de raconter leur histoire. Très affecté par ces histoires, le père Desbois a décidé d’y consacrer sa vie afin de redonner corps à ces vies et retourner sur les traces de ces victimes oubliées. 

 

 

 

“ Et puis on a découvert que les juifs n’étaient pas enterrés, que personne ne savait où c’était, que personne ne voulait parler, que tout le monde disait ‘il n’y a jamais eu de fusillades’”. – Père Patrick Desbois

Une méthodologie de recherche unique 

Yahad In Unum adopte une méthode de recherche singulière, pouvant même être qualifiée d’unique. Celle-ci repose tout d’abord par une investigation et une étude des archives allemandes et soviétiques. La majeure partie de sa méthode repose sur la collecte de témoignages ainsi qu’une analyse de chaque site. 

Cette démarche s’appuie essentiellement sur des témoignages qui permettent l’étude et la compréhension de ces événements. Les témoins, au cœur du travail de Yahad In unum, n’ont jamais pu raconter leur histoire et n’ont jamais eu la chance d’être entendus. Ces témoins représentent des sources primordiales dans cette recherche des massacres des juifs en Europe de l’Est. Après quelques recherches, l’association a identifié quatre catégories de témoins

 


Les voisins

Le premier groupe de témoins sont les voisins. Ces témoins sont ceux qui ont été les voisins de certains massacres, qui ont vécu tout près. Ils ont pu être témoins de certains moments comme des coups de feu ou des arrestations de juifs. Beaucoup d’entre eux, comprenaient ce qu’il se passait et s’en souviennent encore.

Les curieux 

Le second groupe de témoins sont les curieux, regroupant les personnes qui ont vécu des arrestations ou des exécutions par hasard ou simple curiosité. Ces témoins sont essentiels dans les recherches de l’association car ils ont vu des scènes précieuses pour les investigations de Yahad In Unum. 

Les malgré eux

Les « malgré eux », des personnes qui ont été forcées par les soldats allemands à regarder à des massacres de juifs. Parfois, des groupes ou des villages entiers ont été contraints à regarder des exécutions. 

Les réquisitionnés 

Le dernier groupe de témoins est celui des réquisitionnés. Ces témoins ont été forcés de participer à des massacres de masse par les soldats allemands. Pour par exemple, les transporter ou encore pour creuser les fosses, cuisiner des repas pour les soldats ou encore remplir les fosses. 

Les sites identifiés

 

L’Ukraine, le premier pays d’investigation de Yahad In Unum

 

« [Mon grand-père] se taisait dès que l’on évoquait son passé, celui de la guerre, dès que l’on prononçait deux mots interdits : Rawa-Ruska. Le lieu de sa déportation en 1942. Le camp 325 ». Père Patrick Desbois

Première destination, l’Ukraine, le premier pays où Yahad In Unum pose ses valises. L’association commence à enquêter sur les traces du camp de Rawa Ruska situé à l’Est de l’Ukraine, proche de la frontière polonaise. 

Yahad In Unum, https://www.yahadinunum.org/in-evidence, German troops © www.HolocaustResearchProject.org

 

Ce camp, genèse de la création de Yahad In Unum, regorge d’histoires et de faits encore bien enfouis dans les mémoires. Ce camp, créé au début de la Seconde Guerre mondiale, va être le lieu ou près de 18 000 juifs vont trouver la mort, sauvagement assassinés par des soldats. Tout débute en juillet 1941, lorsque plus de 100 juifs sont arrêtés et fusillés. Ensuite, de nombreux groupes de juifs seront amenés à Rawa Ruska pour travailler de force et/ou être exécutés. Ce site, comme bien d’autres, est resté anonyme pendant longtemps, et beaucoup le sont encore aujourd’hui. 

C’est à ce moment-là que l’association va jouer son rôle pour permettre aux derniers survivants de ces atrocités, de se livrer et de raconter, certaines pour la première fois, leur histoire et leur souvenir de ce qu’elles ont vécu dans ce camp. Plusieurs personnes ont été témoins, et ont assisté à ce massacre, et Yahad In Unum les a interrogés pour mettre en lumière les preuves de ces assassinats. Une femme, témoigne de ce qu’elle a vu lors de l’arrestation d’une personne juive. 

Le site de Babi Yar, pendant la seconde Guerre mondiale et aujourd’hui

Babi Yar est le massacre le plus important de la Shoah par balles en Ukraine. Plus de 33 000 juifs ont été assassinés dans ce site par des soldats nazis ainsi que par leurs collaborateurs.

Yahad In Unum étend ses recherches

L’association a décidé de voir plus loin et de s’investir dans d’autres histoires et génocides majeurs qui touchent des millions de personnes. En plus de ses actions sur le terrain, elle a créé des outils pédagogiques et des évènements à destination des victimes et survivants d’autres crimes majeurs qui touchent notre société dans le monde actuellement. Suivons les traces des nouvelles investigations de l’association …